© Gilberto Güiza Rojas EPT Grand-Orly Seine Bièvre
Une femme multifacettes, 2010 – ∞
Texte de l’exposition Écrans Partagés – La photographie après 31 ans de Web au Lavoir Numérique, Gentilly. Installation 2020
Que dit notre visage de nous ? Que nous disent les visages des autres ? Et les images de visages ? La photographie ne dit rien de qui nous sommes mais c’est pourtant elle qui atteste de notre identité sur nos documents officiels et c’est souvent le premier contact que nous avons avec un autre individu sur internet.
A partir de ces interrogations, Julia Amarger a commencé le projet Une femme multifacettes en réalisant 12 autoportraits tous les ans depuis 2010. En une fois, elle prend différentes apparences et montre des facettes qu’elle a, selon elle, pu avoir durant l’année ; ainsi en 2020 elle réunit 132 autoportraits qui reprennent les codes de la photographie d’identité. Ces codes unifient la prise de vue pour montrer les différences entre les individus, mais, dans Une femme multifacettes, elle les réutilise pour se montrer elle-même différemment dans chacune des images. Ainsi, dans un même cadre et format, elle est autant de femmes qu’elle réalise d’images. En parallèle, elle joue avec ses photographies en les utilisant dans des documents officiels, carte d’identité, carte vitale, passeport… En adoptant une apparence complètement différente dans chacun d’entre eux.
Elle a rassemblé les images réalisées depuis 2010 dans une application parodique où seule sa figure, sous différentes facettes, apparaît au spectateur. Sur la photo d’une carte d’identité ou d’un CV, sur les réseaux sociaux, sur les sites de rencontre, nous donnons à voir une image de nous-mêmes que nous adaptons au canal de diffusion. Nous pouvons prendre des apparences totalement différentes, nous métamorphoser. Tout cela, sous le regard d’anonymes et d’inconnus qui observent notre image, s’en font une idée, balaient du doigt notre visage pour passer au suivant, parfois le liker, et souvent l’oublier. Face à la photo d’un sujet vêtu d’une certaine manière et qui a une certaine expression, on incorpore à l’image des sens, on cristallise le regard que l’on porte sur l’Autre ; le convertissant en un produit de consommation sorti d’un catalogue de supermarché.
A travers l’application présentée dans cette exposition, Julia Amarger questionne l’idée que l’on se fait de l’autre en observant son image, mais aussi l’utilisation d’algorithmes dans les réseaux pour la classification des personnes et les stéréotypes qui s’en dégagent. Les qualificatifs employés pour décrire les individus sont-ils appliqués de la même façon pour une femme et pour un homme ? Comment les stéréotypes conditionnent notre regard sur les autres ?
132 autoportraits de l’artiste défilent aléatoirement sur une tablette que le spectateur est invité à toucher pour interagir. A ce moment-là, 16 adjectifs qualificatifs apparaissent (intelligente, affectueuse, sexy, sportive, drôle, romantique, spontanée…), le spectateur en choisit deux, et un autoportrait de Julia apparait. L’installation présentée sous la forme d’un jeu interroge le spectateur. Que se passe-t-il si la combinaison des adjectifs choisis nous montre une image qui n’est pas celle attendue ? Julia Amarger nous invite à jouer à un jeu qui révèle nos propres préjugés et où le personnage échappe à la classification.